Les Savoyards, ou Savoisiens, sont les habitants de la région de Savoie, historiquement berceau des comtes de la maison de Savoie, contrôlant le comté au XIe siècle, puis le duché de Savoie entre 1416 et 1860. C’est au moment de l’annexion de 1860 que le duché devient possession française. Ce territoire correspond aujourd’hui aux départements de Savoie et Haute-Savoie.
La première mention de « la Sapaudia », renvoyant à cette région géographique, se situe dans un texte de l’historien romain Ammien Marcellin datant de 390. Le terme évolue ensuite en Sabaudia, Saboia puis Savoye (ou Savoie). Comment a évolué l’appellation de cette contrée au fil des siècles ?
L’évolution de savoyen à savoyard à travers l’histoire
Le terme utilisé pour désigner les habitants de la région de Savoie a plusieurs fois varié depuis le Moyen-Âge. On le rencontre assez tard en formulation écrite, au XIVe siècle, sous la plume de l’écrivain Froissart dans un récit sur la Guerre de Cent Ans. Il parle alors de Savoïens (ou Savoyens) pour désigner les habitants de la Savoye, suivant la même logique étymologique que le nom Troyens pour les habitants de Troyes, en Champagne.
Le mot Savoyen est surtout répandu en littérature. Il est par exemple utilisé par Jean d’Orville en 1419, dans une chronique sur le règne d’Amédée VIII. Les chevaliers, au temps des guerres médiévales, avaient aussi l’habitude de charger au cri de « Toujours avant, Savoyens ! ».
Au XVe siècle, Savoyen se transforme en Savoisien, sous l’influence de la Renaissance qui suscite un véritable engouement pour tout ce qui se rapporte à l’Antiquité. En effet, les Espagnols étaient alors nommés Hispaniens et les Suisses Helvétiens : par imitation, les Savoyens se transformèrent alors en Savoisiens. Les écrivains de Savoie adoptent bien vite cette appellation, à l’imitation de François Villon et du célèbre Ronsard, qui la mentionne dans son ode au mariage de Marguerite de France, sœur du roi Henri II. Le plus illustre des habitants de la région, François de Sales, se dit également, dans une lettre de 1615, être « essentiellement Savoisien ». Cependant, ce qualificatif demeure alors utilisé surtout par les classes privilégiées, le peuple restant fidèle à l’ancien « Savoyen ».
Au fil des années, les deux appellations seront finalement remplacées par le Savoyard, appellation issue d’une décision politique. En effet, en 1562, Chambéry qui était alors la capitale du duché, est supplantée par Turin. En langue piémontaise, les habitants de Savoie sont appelés Savojard (le « j » se prononce « y »), qui donnera donc Savoyard. Ce mot est, à l’origine, surtout employé par les étrangers au département. Au XVIIIe siècle, le nom se généralise partout en France, à l’exemple de Rousseau écrivant la Profession de foi du Vicaire savoyard. Il devient même synonyme, dans le langage courant, de ramoneur ou portefaix, métiers souvent exercés par les émigrants alpins.
Au fil du temps, sous l’influence des Piémontais et des émigrés alpins de retour au pays, ce vocable finira par s’imposer en Savoie aussi. Au début du XIXe siècle, les anciens termes sont progressivement oubliés, les seuls souvenirs demeurant dans le domaine culturel, comme le Musée savoisien de Chambéry ou la Revue savoisienne.
Savoisien ou Savoyard : le débat
La différence entre les termes pourrait, au-delà du contexte historique, avoir également une valeur idéologique. Ce débat a été ouvert à l’initiative du romancier et pamphlétaire Jean de Pingon.
De plus, le mot même de savoyard a longtemps eu un écho péjoratif, jusque dans les définitions du dictionnaire, renvoyant à une image très dépréciative, voire à une injure, comme le montre cette définition du Dictionnaire Universel datant de 1834 : « Savoyard : homme sale, grossier et brutal, on emploie le mot savoyard par mépris ».
D’après Jean de Pingon, « savoyard » renvoyait à l’image d’une plèbe, alors que la Savoie était un peuple à part entière, composé de toutes les catégories sociales, y compris l’aristocratie. Au XIXe siècle, le vocable « savoisien » renvoyait bien à l’identité nationale de la Savoie, mais on utilisait aussi « savoyard » pour l’aristocratie. Le prince Eugène rapporte, dans ses mémoires, qu’on l’avait présenté comme savoyard, sans paraître vexé.
Face à Jean de Pingon, se dressent des historiens remettant en cause les connaissances de ce dernier et déclarant le mot « savoisien » comme inadapté et celui de « savoyard » comme légitime. Le dictionnaire va maintenant dans ce sens, contrairement aux dictionnaires plus anciens qui les considéraient comme synonymes.
Malgré ces discussions et ces débats qui font encore couler de l’encre, le terme savoyard reste celui qui est couramment usité, sans n’avoir plus aucune connotation négative. Dans le fond, cela n’importe plus vraiment car les deux renvoient à une région qui a son histoire et ses spécificités et à laquelle les habitants sont attachés et fiers d’appartenir.
[…] par sa géographie et son climat, les savoyard·es (ou savoisien·nes) n’attendent qu’une seule chose à l’approche de l’hiver. Que nos seyens de la montagne ou […]