mardi 15 juillet 2025
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🎙 MĂ©tiers du spectacle vivant… de l’ombre Ă  la lumière : Sharleen Fort (partie 1)

Crédit photo : Aurélien Bodecher

Podcast consacrĂ© au spectacle vivant par Mordus 2 Savoie, en collaboration avec le DĂ´me Théâtre d’Albertville, Mordus 2 Savoie vous invite Ă  rencontrer les personnes qui oeuvrent dans l’ombre. L’occasion de mettre en lumière ce qui se trame en coulisses. Pour ce 1er Ă©pisode en 2 parties, c’est Sharleen Fort, directrice technique du DĂ´me Théâtre d’Albertville qui est l’invitĂ©e d’AurĂ©lien Bodecher.

Réalisé et animé par Aurélien Bodecher
Technique : Damien Boussicut
Une création originale de Mordus 2 Savoie

Sharleen Fort, directrice technique du DĂ´me Théâtre d’Albertville lors de l’enregistrement du podcast.

AurĂ©lien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : Bonjour Sharleen, en tant que directrice technique du DĂ´me Théâtre d’Albertville, tu es dans l’ombre et tu gères plein de choses. Peux-tu nous le raconter un peu ?

Sharleen Fort : Oui avec plaisir. D’abord, merci pour l’invitation, cela me fait super plaisir de parler de nos mĂ©tiers de l’ombre parce qu’ils mĂ©ritent d’ĂŞtre mis en lumière.

Ce qui me passionne dans un spectacle, c’est tout le processus qui donne Ă  voir le rendu finale et je trouve cela tellement chouette de travailler sur diffĂ©rents plans que ce soit en technique, en administration, en communication et au final de rĂ©unir des centaines de personnes Ă  un rendez-vous commun pour voir le rĂ©sultat de mois de travail, qui fait se rencontrer diffĂ©rents univers.

Les gens ne s’en rendent pas forcĂ©ment compte. Et le cĂ´tĂ© technique, c’est ce qui prend souvent le plus de temps au moment de l’exploitation.

AurĂ©lien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : C’est vrai que c’est un mĂ©tier qui regroupe les pans essentiels qu’on a au théâtre comme gĂ©rer le son, la lumière, des notions de management aussi. Comment as-tu dĂ©couvert ce mĂ©tier, quel est ton parcours ?

Sharleen Fort : Alors le mĂ©tier de direction technique en tant que tel, je l’ai dĂ©couvert par le fruit du hasard.

En revanche, le milieu du spectacle, j’ai toujours su que j’allais travailler dedans.

Au début, je voulais être artiste.

Puis au fur et à mesure, en me retrouvant derrière une régie, en reprenant mes études, la technique ressemblait plus à ce que je préfère dans les différents pans du spectacle.

J’ai toujours baignĂ© dans ce milieu, car mon père Ă©tait marĂ©chal-ferrant, et on avait beaucoup de chevaux Ă  la maison, une partie de sa clientèle venait du spectacle Ă©questre. J’allais souvent aux spectacles et en parallèle j’allais au théâtre avec une amie qui m’a initiĂ© Ă  cet univers depuis toute petite.

La question du travail ne se posait pas, je savais que c’Ă©tait une vocation.

Après le bac, j’ai intĂ©grĂ© le marchĂ© du travail dans ma 1ère compagnie au terme de ce premier emploi, il me fallait un plan B, et j’ai donc repris mes Ă©tudes, si jamais le spectacle ne marchait pas pour moi.

En arrivant Ă  l’universitĂ©, on avait des modules « rĂ©gie » en deuxième annĂ©e.

Et la j’ai dĂ©couvert ce mĂ©tier, que j’ai trouvĂ© super intĂ©ressant.

En fait, ça regroupe une grande polyvalence, et en mĂŞme temps c’est le genre de mĂ©tiers qui s’adaptent Ă  chaque personne.

A la fin de la licence « art du spectacle », j’ai intĂ©grĂ© l’ENSATT par concours, et que j’ai prĂ©parĂ© en 15 jours (rires).

Crédit photo : Aurélien Bodecher

AurĂ©lien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : C’est intĂ©ressant que tu nous parles de cela, car tu es loin d’ĂŞtre la seule personne Ă  se poser des questions d’orientation, surtout dans le monde du spectacle vivant. Il y a besoin d’un diplĂ´me qui certifie un certain niveau de compĂ©tence ?

Sharleen Fort : Justement, quand je suis allĂ©e sur le site de l’ENSATT, je me suis dit « il faut ĂŞtre stratĂ©gique et rĂ©aliste au vu de mon parcours ». Je ne pouvais pas passer le concours « rĂ©gie son », alors je me suis tournĂ©e vers le parcours de direction technique.

On ne demande pas d’ĂŞtre rĂ©gie son ou lumière, car ce sont des mĂ©tiers diffĂ©rents, c’est un mĂ©tier Ă  part entière.

Donc lĂ , je me suis dit « la direction technique demande des compĂ©tences d’organisation, d’adaptabilitĂ©, d’anticipation » et ça me correspondait.

J’ai envoyĂ© le dossier Ă  l’ENSATT, c’est comme cela que je suis arrivĂ©e Ă  la direction technique. Très longue explication (rires).

AurĂ©lien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : Non, c’est parfait. C’est vrai qu’il faut faire preuve d’explication. Parfois il y a des gens qui sont autodidacte mais certains postes demandent des notions et donc des Ă©tudes. Ici, au DĂ´me théâtre, tu travailles avec qui concrètement ?

Sharleen Fort : Sur le plan purement technique, je travaille avec Laurent et Shaggy en permanence. Laurent est le rĂ©gisseur principal et lumière du théâtre, et Shaggy est rĂ©gisseur son et il s’occupe Ă©galement de la vidĂ©o quand cela est nĂ©cessaire.

On travaille tous les 3, chacun dans son domaine de compétence.

On a également Kévin et Alex, qui sont des « permittent », sont des régisseurs intermittents mais qui sont réguliers au sein de la structure.

Nous sommes leur principal employeur par rapport Ă  leur statut.

Sinon, on travaille avec une dizaine d’intermittents.

Albertville, c’est assez isolĂ© avec un faible nombre d’intermittents, d’autant qu’il y a Annecy et ChambĂ©ry Ă  proximitĂ© qui en captent une grande partie.

C’est pour cela qu’on travaille avec les mĂŞmes personnes, qu’il y a peu de turnover.

AurĂ©lien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : Du coup, c’est flexibilitĂ©, tu la mets Ă  disposition des spectacles quand ils viennent au DĂ´me ?

Sharleen Fort : Complètement. En fait, intermittent n’est pas un mĂ©tier, ce n’est mĂŞme pas un statut, c’est un rĂ©gime d’indemnisation. Quand j’embauche un intermittent, j’embauche surtout une compĂ©tence.

Il y a une grande polyvalence, mĂŞme s’ils savent en amont ce qu’on attend d’eux car les rĂ©munĂ©rations ne sont pas les mĂŞmes et les indemnisations Ă©galement.

AurĂ©lien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : C’est vrai que ça te demande de connaĂ®tre la technique sans ĂŞtre experte, car au centre de ton mĂ©tier il y a le management, de bien connaĂ®tre les personnes avec qui tu travailles. Comment tu mets en Ĺ“uvre ce management ?

Sharleen Fort : Dans le spectacle vivant, et en fonction des structures, la frontière entre le personnel et le professionnel est vraiment mince.

On tombe vite dans le schĂ©ma affectif. C’est aussi cela mon rĂ´le, mon poste d’encadrante, de placer un cadre au sein de l’Ă©quipe.

On Ă©change beaucoup entre nous. Ma vision, la communication est au centre, et on s’articule avec les Ă©changes que l’on a.

Ici (au DĂ´me Théâtre d’Albertville, ndlr) on est dans un cadre rĂ©glementĂ©, encadrĂ© et mon rĂ´le est de veiller Ă  cela, au fait que le bien-ĂŞtre au travail soit respectĂ©, que les Ă©quipes ne soient pas en souffrance.

La politique culturelle qu’on connaĂ®t actuellement en France, elle est rĂ©cente, ça remonte Ă  AndrĂ© Malraux, le schĂ©ma qu’on connaĂ®t maintenant est rĂ©glementĂ©, l’encadrement financier avec la LOLF (la loi organique relative aux lois de finances) qui impose de justifier chaque dĂ©pense Ă  l’euro prĂŞt.

On est Ă  un tournant, j’ai 25 ans, je suis toute jeune, je suis arrivĂ©e il n’y a pas longtemps sur le marchĂ© du travail mĂŞme si j’ai commencĂ© Ă  16 ans.

Je travaille avec des gens qui ont connu « l’âge d’or » comme ils disent les anciens. Ils ont connu un autre cadre de travail.

Les budgets et contraintes qu’on connaĂ®t aujourd’hui ont un impact sur leur travail. les mĂ©tiers Ă©voluent en consĂ©quence. La profession a changĂ©, le rapport au mĂ©tier Ă©galement.

Moi j’arrive avec mon regard neuf, car je n’ai pas connu avant, mais je les comprends.

Avant, c’Ă©tait peut-ĂŞtre plus entrainent, plus d’adrĂ©naline, car en fait, si on fait ces mĂ©tiers, ce n’est pas juste pour ĂŞtre dans l’ombre, c’est pour le challenge.

C’est aussi la spĂ©cificitĂ© d’un spectacle vivant par rapport au cinĂ©ma, c’est que la salle, la technique, est un dĂ©fi pour les Ă©quipes pour ĂŞtre le plus fidèle possible au spectacle, au attentes des auteurs et des spectateurs, restituer le plus fidèlement possible les aspects artistiques d’une salle Ă  une autre.

AurĂ©lien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : C’est aussi l’art de trouver des solutions aux problèmes, cela demande de la flexibilitĂ©. Est-ce qu’Ă  ton avis, il est essentiel pour un directeur technique d’avoir au moins une expĂ©rience de la scène ?

Sharleen Fort : Ah oui, absolument.  D’ailleurs, je souris parce que je me suis faite « taper sur les doigts » Ă  ce sujet pendant ma soutenance.

Durant mon mĂ©moire, j’ai dit que l’un des problèmes est qu’il y ait des artistes qui soient nommĂ©s Ă  la tĂŞte de lieux de spectacle et qui n’aient pas de notion de base, et sur le management et sur le travail en Ă©quipe technique. C’est un problème rĂ©current, et inversement.

Ca ne peut pas être à sens unique, il faut les deux expériences.

AurĂ©lien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : Tu travailles comment pour mettre en place un spectacle, le son, la lumière… ?

Sharleen Fort : D’abord, on regarde la fiche technique, c’est vraiment le mode d’emploi du spectacle.

Ensuite, j’essaie de comprendre le spectacle. Une fiche technique bien Ă©tudiĂ©e, c’est garant d’une bonne communication avec les Ă©quipes et d’une bonne restitution sur le plateau.

Moi j’ai vraiment cette pression de me dire, est-ce que je vais mettre les Ă©quipes en difficultĂ© ?

AurĂ©lien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : J’imagine que certaines personnes souhaitent une restitution copie-conforme du spectacle, on te demande de reproduire le plus fidèlement possible avec les moyens Ă  ta disposition, c’est une sacrĂ© pression non ?

Sharleen Fort : Oui, il faut savoir jongler et surtout savoir se remettre en question. Savoir écouter pour trouver des solutions positives.

AurĂ©lien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : Tu me racontais justement, en prĂ©parant l’enregistrement, une anecdote que j’aime bien, car elle traduit la partie inattendue du spectacle vivant. Peux-tu nous en dire un mot ?

Sharleen Fort : Oui, c’est arrivĂ© lors de mon premier contrat officiel dans une compagnie en 2017, je devais avoir 18 ans.

Pour un spectacle Ă©questre, j’Ă©tais en coulisses pour donner le top des chevaux.

Et sur ce spectacle j’avais un costume, je devais entrer sur scène avec ce cheval.

J’envoie le top, et lĂ  un des chevaux s’Ă©chappe sur la route !

J’avais 3 minutes 30 pour le rattraper, je courais après le cheval. Finalement, j’ai rĂ©ussi Ă  l’attraper et entrer pile pour mon entrĂ©e sur scène.

C’est ça aussi le spectacle (rires) !

Découvrez prochainement la deuxième partie sur MORDUS 2 SAVOIE.

Enregistrement du podcast avec Aurélien Bodecher et Sharleen Fort

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