Niché au cœur des Alpes, l’un des plus beaux villages de montagne, Abondance. De son nom évoquant la générosité qu’offre ses habitants et son environnement préservé, est né le Val d’Abondance, la race bovine et le Fromage Abondance. Depuis le XIIIe siècle, l’histoire du fromage en Vallée d’Abondance est intimement liée à l’histoire de l’Abbaye. Dès cette époque, les moines comprirent que le fromage pouvait devenir la vraie richesse de la vallée. Puis, grâce à l’obtention de l’Appellation d’Origine Contrôlée en 1990 puis de l’Appellation d’Origine Protégée (AOP) en 1996, les chablaisiens se sont réappropriés leur fromage, dont la réputation et le goût sont désormais bien connus des gourmands.
Ces dernières années, son histoire s’est ancrée plus fortement dans notre patrimoine commun avec la reconnaissance du Berthoud, recette typique savoyarde à l’Abondance, comme Spécialité Traditionnelle Garantie (STG) puis l’inscription, en 2023, de la saison d’alpage au Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
Secret 1 : une origine monastique
Fondée au XIIe siècle par des chanoines puis occupée par des moines cisterciens à partir du XVIIe siècle, l’Abbaye d’Abondance, premier monument historique classé en Haute-Savoie, recèle de fabuleux trésors. Dès le XIIIe siècle, les chanoines de l’Abbaye comprirent que le fromage pouvait devenir la richesse de la vallée. Défrichage des forêts (à l’aide des vaches de race Abondance), perfectionnement de l’élevage, création des alpages et des pâturages… un dur travail est engagé avec les agriculteurs pour permettre l’apparition de champs et de verts alpages propices au développement de l’agriculture. Les religieux mettaient alors à disposition leurs terres et étaient payés en retour par les paysans en fromage. C’était l’ochéage.
Secret 2 : une forme concave facilitant le transport à dos d’animaux
Une meule d’Abondance, de 10 kg en moyenne, présente une forme concave spécifique, avec un diamètre de 38 à 43 cm et une épaisseur de 7 à 8 cm. Cette forme traditionnelle est une des manières de reconnaître ce fromage unique. Historiquement, ce talon concave permettait d’attacher avec une corde et de transporter plus facilement les meules à dos de mulets, pour les descendre des alpages.
Secret 3 : une production limitée
La production de l’Abondance est strictement encadrée par les règles de l’AOP, qui garantit sa qualité mais limite également sa production. À l’heure de la consommation de masse, c’est une démarche unique mise en place par les opérateurs de la filière Abondance : avoir inscrit dans le cahier des charges un plafond de production pour chaque atelier de fabrication. En effet, les ateliers laitiers, appelés aussi « fruitières », ne peuvent pas transformer plus de 5 millions de litres de lait par an en Abondance. Par ailleurs, pour bénéficier de la mention fermière, les ateliers concernés ne doivent pas dépasser 500 000 kg de lait par an. Cette mesure permet ainsi de conserver un grand nombre d’ateliers, répartis sur l’ensemble de la zone de production de l’AOP Abondance et générateurs d’emplois, tout en respectant un procédé de fabrication artisanal.
Secret 4 : le Berthoud, 1ère STG culinaire de France
Du fromage Abondance AOP, du Vin de Savoie AOP, du Madère ou du Porto AOP, de l’ail et du poivre : telle est la recette du savoureux Berthoud, un plat originaire de la Savoie historique. Cette recette traditionnelle a en effet été élaborée en Haute-Savoie au début du XXe siècle, dans le Chablais, à Thonon-Les-Bains. À l’époque, les cuisiniers utilisaient du vin blanc madérisé, aujourd’hui introuvable. Au fil du temps, il a été remplacé par du Madère ou du Porto, pour apporter cette note sucrée au plat.
Depuis 2020, le Berthoud est une Spécialité Traditionnelle Garantie (STG), un label européen qui a pour but de protéger une recette traditionnelle. En France, deux produits sont à ce jour porteurs du label : les moules de Bouchot et le fameux Berthoud. Ce dernier doit être impérativement servi chaud dans une coupelle individuelle en porcelaine, appelée « assiette à Berthoud » !
Secret 5 : la saison d’alpage désormais inscrite au Patrimoine de l’Unesco
Historiquement, les moines de Abbaye d’Abondance ont encouragé le développement de l’activité pastorale. Ils ont favorisé la pâture en altitude et recevaient en impôt la production laitière de l’été, transformée en fromage. Aujourd’hui et selon le cahier des charges de l’AOP, les vaches de race Abondance, Tarine ou Montbéliarde doivent pâturer au minimum 150 jours. Les paysans luttent encore contre la progression de la forêt pour que soient préservés ce paysage et ces terres agricoles. Cette pratique contribue à la préservation des paysages naturels et crée des liens économiques et sociaux entre les populations locales et les alpagistes. C’est pour toutes ces raisons que la saison d’alpaage est inscrite depuis 2023 au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco.