dimanche 2 février 2025
Actus savoyardesMordus 2 CulturePodcasts

🎙 Métiers du spectacle vivant… de l’ombre à la lumière : Sharleen Fort (partie 1)

Crédit photo : Aurélien Bodecher

Podcast consacré au spectacle vivant par Mordus 2 Savoie, en collaboration avec le Dôme Théâtre d’Albertville, Mordus 2 Savoie vous invite à rencontrer les personnes qui oeuvrent dans l’ombre. L’occasion de mettre en lumière ce qui se trame en coulisses. Pour ce 1er épisode en 2 parties, c’est Sharleen Fort, directrice technique du Dôme Théâtre d’Albertville qui est l’invitée d’Aurélien Bodecher.

Réalisé et animé par Aurélien Bodecher
Technique : Damien Boussicut
Une création originale de Mordus 2 Savoie

Sharleen Fort, directrice technique du Dôme Théâtre d’Albertville lors de l’enregistrement du podcast.

Aurélien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : Bonjour Sharleen, en tant que directrice technique du Dôme Théâtre d’Albertville, tu es dans l’ombre et tu gères plein de choses. Peux-tu nous le raconter un peu ?

Sharleen Fort : Oui avec plaisir. D’abord, merci pour l’invitation, cela me fait super plaisir de parler de nos métiers de l’ombre parce qu’ils méritent d’être mis en lumière.

Ce qui me passionne dans un spectacle, c’est tout le processus qui donne à voir le rendu finale et je trouve cela tellement chouette de travailler sur différents plans que ce soit en technique, en administration, en communication et au final de réunir des centaines de personnes à un rendez-vous commun pour voir le résultat de mois de travail, qui fait se rencontrer différents univers.

Les gens ne s’en rendent par forcément compte. Et le côté technique, c’est ce qui prend souvent le plus de temps au moment de l’exploitation.

Aurélien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : C’est vrai que c’est un métier qui regroupe les pans essentiels qu’on a au théâtre comme gérer le son, la lumière, des notions de management aussi. Comment as-tu découvert ce métier, quel est ton parcours ?

Sharleen Fort : Alors le métier de direction technique en tant que tel, je l’ai découvert par le fruit du hasard.

En revanche, le milieu du spectacle, j’ai toujours su que j’allais travailler dedans.

Au début, je voulais être artiste.

Puis au fur et à mesure, en me retrouvant derrière une régie, en reprenant mes études, la technique ressemblait plus à ce que je préfère dans les différents pans du spectacle.

J’ai toujours baigné dans ce milieu, car mon père était maréchal-ferrant, et on avait beaucoup de chevaux à la maison, une partie de sa clientèle venait du spectacle équestre. J’allais souvent aux spectacles et en parallèle j’allais au théâtre avec une amie qui m’a initié à cet univers depuis toute petite.

La question du travail ne se posait pas, je savais que c’était une vocation.

Après le bac, j’ai intégré le marché du travail dans ma 1ère compagnie au terme de ce premier emploi, il me fallait un plan B, et j’ai donc repris mes études, si jamais le spectacle ne marchait pas pour moi.

En arrivant à l’université, on avait des modules « régie » en deuxième année.

Et la j’ai découvert ce métier, que j’ai trouvé super intéressant.

En fait, ça regroupe une grande polyvalence, et en même temps c’est le genre de métiers qui s’adaptent à chaque personne.

A la fin de la licence « art du spectacle », j’ai intégré l’ENSATT par concours, et que j’ai préparé en 15 jours (rires).

Crédit photo : Aurélien Bodecher

Aurélien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : C’est intéressant que tu nous parles de cela, car tu es loin d’être la seule personne à se poser des questions d’orientation, surtout dans le monde du spectacle vivant. Il y a besoin d’un diplôme qui certifie un certain niveau de compétence ?

Sharleen Fort : Justement, quand je suis allée sur le site de l’ENSATT, je me suis dit « il faut être stratégique et réaliste au vu de mon parcours ». Je ne pouvais pas passer le concours « régie son », alors je me suis tournée vers le parcours de direction technique.

On ne demande pas d’être régie son ou lumière, car ce sont des métiers différents, c’est un métier à part entière.

Donc là, je me suis dit « la direction technique demande des compétences d’organisation, d’adaptabilité, d’anticipation » et ça me correspondait.

J’ai envoyé le dossier à l’ENSATT, c’est comme cela que je suis arrivée à la direction technique. Très longue explication (rires).

Aurélien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : Non, c’est parfait. C’est vrai qu’il faut faire preuve d’explication. Parfois il y a des gens qui sont autodidacte mais certains postes demandent des notions et donc des études. Ici, au Dôme théâtre, tu travailles avec qui concrètement ?

Sharleen Fort : Sur le plan purement technique, je travaille avec Laurent et Shaggy en permanence. Laurent est le régisseur principal et lumière du théâtre, et Shaggy est régisseur son et il s’occupe également de la vidéo quand cela est nécessaire.

On travaille tous les 3, chacun dans son domaine de compétence.

On a également Kévin et Alex, qui sont des « permittent », sont des régisseurs intermittents mais qui sont réguliers au sein de la structure.

Nous sommes leur principal employeur par rapport à leur statut.

Sinon, on travaille avec une dizaine d’intermittents.

Albertville, c’est assez isolé avec un faible nombre d’intermittents, d’autant qu’il y a Annecy et Chambéry à proximité qui en capte une grande partie.

C’est pour cela qu’on travaille avec les mêmes personnes, qu’il y a peu de turnover.

Aurélien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : Du coup, c’est flexibilité, tu l’as mets à disposition des spectacles quand ils viennent au Dôme ?

Sharleen Fort : Complètement. En fait, intermittent n’est pas un métier, ce n’est même pas un statut, c’est un régime d’indemnisation. Quand j’embauche un intermittent, j’embauche surtout une compétence.

Il y a une grande polyvalence, même s’ils savent en amont ce qu’on attend d’eux car les rémunérations ne sont pas les mêmes et les indemnisations également.

Aurélien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : C’est vrai que ça te demande de connaître la technique sans être experte, car au centre de ton métier il y a le management, de bien connaître les personnes avec qui tu travailles. Comment tu mets en œuvre ce management ?

Sharleen Fort : Dans le spectacle vivant, et en fonction des structures, la frontière entre le personnel et le professionnel est vraiment mince.

On tombe vite dans le schéma affectif. C’est aussi cela mon rôle, mon poste d’encadrante, de placer un cadre au sein de l’équipe.

On échange beaucoup entre nous. Ma vision, la communication est au centre, et on s’articule avec les échanges que l’on a.

Ici (au Dôme Théâtre d’Albertville, ndlr) on est dans un cadre réglementé, encadré et mon rôle est de veiller à cela, au fait que le bien-être au travail soit respecté, que les équipes ne soient pas en souffrance.

La politique culturelle qu’on connaît actuellement en France, elle est récente, ça remonte à André Malraux, le schéma qu’on connaît maintenant est réglementé, l’encadrement financier avec la LOLF (la loi organique relative aux lois de finances) qui impose de justifier chaque dépense à l’euro prêt.

On est à un tournant, j’ai 25 ans, je suis toute jeune, je suis arrivée il n’y a pas longtemps sur le marché du travail même si j’ai commencé à 16 ans.

Je travaille avec des gens qui ont connu « l’âge d’or » comme ils disent les anciens. Ils ont connu un autre cadre de travail.

Les budgets et contraintes qu’on connaît aujourd’hui ont un impact sur leur travail. les métiers évoluent en conséquence. La profession a changé, le rapport au métier également.

Moi j’arrive avec mon regard neuf, car je n’ai pas connu avant, mais je les comprends.

Avant, c’était peut-être plus entrainent, plus d’adrénaline, car en fait, si on fait ces métiers, ce n’est pas juste pour être dans l’ombre, c’est pour le challenge.

C’est aussi la spécificité d’un spectacle vivant par rapport au cinéma, c’est que la salle, la technique, est un défi pour les équipes pour être le plus fidèle possible au spectacle, au attentes des auteurs et des spectateurs, restituer le plus fidèlement possible les aspects artistiques d’une salle à une autre.

Aurélien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : C’est aussi l’art de trouver des solutions aux problèmes, cela demande de la flexibilité. Est-ce qu’à ton avis, il est essentiel pour un directeur technique d’avoir au moins une expérience de la scène ?

Sharleen Fort : Ah oui, absolument.  D’ailleurs, je souris parce que je me suis faite « taper sur les doigts » à ce sujet pendant ma soutenance.

Durant mon mémoire, j’ai dit que l’un des problèmes est qu’il y ait des artistes qui soient nommés à la tête de lieux de spectacle et qui n’aient pas de notion de base, et sur le management et sur le travail en équipe technique. C’est un problème récurrent, et inversement.

Ca ne peut pas être à sens unique, il faut les deux expériences.

Aurélien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : Tu travailles comment pour mettre en place un spectacle, le son, la lumière… ?

Sharleen Fort : D’abord, on regarde la fiche technique, c’est vraiment le mode d’emploi du spectacle.

Ensuite, j’essaie de comprendre le spectacle. Une fiche technique bien étudiée, c’est garant d’une bonne communication avec les équipes et d’une bonne restitution sur le plateau.

Moi j’ai vraiment cette pression de me dire, est-ce que je vais mettre les équipes en difficulté ?

Aurélien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : J’imagine que certaines personnes souhaitent une restitution copie-conforme du spectacle, on te demande de reproduire le plus fidèlement possible avec les moyens à ta disposition, c’est une sacré pression non ?

Sharleen Fort : Oui, il faut savoir jongler et surtout savoir se remettre en question. Savoir écouter pour trouver des solutions positives.

Aurélien Bodecher (MORDUS 2 SAVOIE) : Tu me racontais justement, en préparant l’enregistrement, une anecdote que j’aime bien, car elle traduit la partie inattendue du spectacle vivant. Peux-tu nous en dire un mot ?

Sharleen Fort : Oui, c’est arrivé lors de mon premier contrat officiel dans une compagnie en 2017, je devais avoir 18 ans.

Pour un spectacle équestre, j’étais en coulisses pour donner le top des chevaux.

Et sur ce spectacle j’avais un costume, je devais entrer sur scène avec ce cheval.

J’envoie le top, et là un des chevaux s’échappe sur la route !

J’avais 3 minutes 30 pour le rattraper, je courais après le cheval. Finalement, j’ai réussi à l’attraper et entrer pile pour mon entrée sur scène.

C’est ça aussi le spectacle (rires) !

Découvrez prochainement la deuxième partie sur MORDUS 2 SAVOIE.

Enregistrement du podcast avec Aurélien Bodecher et Sharleen Fort

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.